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Publié le par theworldnextdoor

Trek Kalaw-Indein. 2ème jour
23/09/2011
Par Steph.

9939-Trek Kalaw/ Indein jour 2Je crois que cette nuit j'ai gaffé. Si Jess se doutait déjà que je raconte n'importe quoi pendant mon sommeil, elle en a maintenant la confirmation. Je m'étais, plus ou moins, engagé hier à l'accompagner dans son expédition "toilettes nocturnes". Mais je devais être vraiment bien sous la couverture car lorsqu'elle m'a secoué pour que je me lève, je lui ai répondu dans mon semi-coma, qu'elle pouvait se débrouiller
sans aller jusqu'à la cabane au fond du jardin. J'ai même ajouté que la pluie laverait ses péchés... Bilan, le potager a bénéficié d'un engrais made in Jess. Après mon laïus de la veille comme
quoi "il faut respecter nos hôtes et ne pas pisser dans le potager", j'ai du mal à être raccord ce matin... Jess jubile. La pluie est bien tombée, j'espère qu'elle m'a donné raison...
Papy joyeux apparaît rapidement après notre réveil en me disant "Tu as bien dormi? Tu as fait du bruit!". Le son qu'il fait pour m'imiter ressemble étrangement au cochon-épanoui... Je crois que
j'ai été au top cette nuit. Jess me rassure en me disant que je n'ai pas ronflé en continu, juste quelques "grognements"... Avec des murs en palme, notre famille d'accueil a dû être ravie de
m'héberger!
C'est donc un peu morveux que je sors après le petit déjeuner pour saluer nos hôtes avant de prendre la route. Une dernière photo avec papy, ma mie et leur fille, et nous les abandonnons en sachant intimement que la soirée passée avec eux restera un des moments forts de notre voyage.

La pluie de la nuit a rendu les chemins encore plus boueux que la veille. Aung Aung reste plusieurs fois dubitatif, se demandant par où passer sans nous enfoncer jusqu'aux mollets.
Il ne fait pas encore trop chaud lorsque nous traversons le 1er village. Les habitants sont ici vêtus de noir. Les femmes portent des turbans oranges. Nous nous arrêtons près d'une maison où une femme d'un âge assez avancé est occupée à tisser. Elle fabrique des sacs que les petits commerçants d'Indein achètent pour les revendre aux touristes. Avec son oeil fermé à cause du soleil, elle me fait penser à DSK. Nous apprenons par Aung Aung qu'il lui faut 4 jours de travail pour faire 1 sac. Je les trouve assez sympas, je décide donc de lui en acheter un malgré les sarcasmes de Jess qui est soudainement bien moins matérialiste que la parisienne que j'ai connue il y a 5 ans... Une femme nous rejoint bientôt avec son bébé enrubanné. Elle s'installe sur la petite terrasse où DSK travaille et entreprend de ré-enrubanner l'enfant... Pas moins de 3 tissus différents sont nécessaires pour lui confectionner un couffin qui ne semble pas lui plaire plus que ça, si on en juge ses pleurs tonitruants. Nous reprenons notre route après que Jess ait visité une autre cabane au fond du jardin.  

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A la sortie du village, nous passons devant une petite école. L'attention de Jess est attirée par 2 gosses qui posent fièrement bras dessus, bras dessous. Ils sont heureux de se voir en photo sur le petit écran de l'appareil. Ils attirent même une petite fille de 3 ans tout au plus qu'ils traîneront malgré ses réticences pour figurer sur l'image. C'est donc les fesses en arrières, les
talons en avant bien ancrés dans le sol qu'elle passera à la postérité...

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Aung Aung nous raconte la légende sur l'origine de ce village. Il y a bien longtemps, un dragon sévissait dans la région. Il plongea dans le lac Inle et se changea en une femme magnifique. Le shaman du village vint au bord de l'eau et en tomba immédiatement fou amoureux. Il se marièrent et la femme tomba enceinte. Elle accoucha de 4 œufs, deux blancs et deux noirs. Mais un jour, le lac déborda suite à un long déluge et inonda toute la vallée. Les œufs furent emportés par les eaux et c'est ainsi que les 2 œufs noirs atterrirent dans ce village et les 2 œufs blancs dans celui de Paduang. Les habitants du village de DSK sont donc les descendants des œufs noirs. C'est pour cela qu'ils s'habillent exclusivement de cette couleur. Quant à Paduang, les femmes y portent des habits blancs et de nombreux anneaux au cou au point de se l'allonger spectaculairement pour ressembler à leur ancêtre dragon. Ça doit les vexer qu'on les appelle "les femmes girafes"...

Une longue marche en pente au cours de laquelle nous rencontrons un enfant qui chante à tue-tête au milieu de son pré en surveillant son buffle. Surpris et amusé de nous voir, il poursuit volontiers son récital qui nous accompagnera aussi loin que sa voix porte.
Nous déjeunons chez un autre ami des grands parents de Aung Aung. Sous ses airs bonhomme, il doit être rongé par une timidité pathologique puisqu'il refuse de déjeuner avec nous. En tous cas, c'est l'explication que nous donne notre guide... Il me sollicite néanmoins pour lui offrir une de mes absolutly fabulous clopes. Je la lui apporte sans qu'il ne daigne pour autant se lever de son siège sur la terrasse. Dommage, il a un côté jovial mais on ne peut pas de faire des amis partout...

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Comme hier, la pluie tombe vers 13h. Nous prolongeons notre halte, histoire de laisser passer le gros du grain (à prononcer plusieurs fois de plus en plus vite, ce n'est pas facile!).
Nous reprenons notre marche un peu avant 14h sur un chemin de plus en plus "gadouilleux". Nos déplacements deviennent vraiment techniques car après les passages des bœufs, des buffles et des chariots, la route ressemble à Verdun en mars 1916 (pendant les giboulées). La boue colle désespérément à nos chaussures, les alourdissant de quelques kilos chacune. Comme si cela ne suffisait pas, lorsque la voie est "plus sèche", nous ramassons toutes les brindilles et les feuilles qui passent à portée de semelle. Plus aucune adhérence envisageable, nous ne pouvons nous fier qu'à notre équilibre pour ne pas nous retrouver allongés de tout notre long dans les marécages de terre orange et collante. Bizarrement, j'ai dans la tête un transistor qui fredonne un air de "on dirait que ça t'gêne de marcher dans la boue..." en mode "repeat"...

 

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Nous nous arrêtons à 16h45 pour dîner... Non pas que nous soyons affamés après 2 heures de déplacements usants, mais nous ne mangerons pas au monastère ce soir. Les moines ne dînent pas et consacrent leurs soirées à la méditation. Aung Aung nous explique que par respect pour eux, nous ne sortirons pas d'aliments devant eux. La vie de moine est déjà bien assez difficile comme ça. Comme il n'y a pas de bar lounge sympa à proximité, nous nous doutons avec Jess que nous nous coucherons de bonne heure. Pas de souci pour nous.
La grande bicoque en bois où nous nous arrêtons est également le magasin du village. La gérante est aussi la directrice de l'école. Le gouvernement l'a mutée de Kalaw dans ce coin perdu. Elle porte dans ses bras son tout petit bébé de 49 jours. Nous restons un bon moment assis sur un banc, les pieds libérés de nos chaussures boueuses et humides. Nous comptons nos ampoules et faisons le bilan des douleurs. Jess souffre d'un talon et je commence à avoir les bretelles du sac incrustées dans les épaules...

Nous optons pour la douche qu'on nous propose. Il s'agit en fait d'une cuve de récupération des eaux de pluie en béton avec une casserole pour s'asperger. Pas bégueules, nous rinçons la couche de boue qui recouvre nos jambes et nous décrassons succinctement le reste du corps sans quitter nos vêtements car la salle de bain extérieure est juste en face de la fenêtre des voisins à 5m. Une jeune fille y chante d'ailleurs une jolie chanson... En nous voyant, elle nous gratifie d'un de ces sourires magiques dont les Birmans ont fait leur spécialité. Je me prends une bière au magasin et nous nous installons à la grande table extérieure en attendant que Aung Aung en finisse avec la préparation du repas.

Le soir tombe et tous les villageois rentrent des champs. Formidable tableau des enfants qui ramènent des buffles 50 fois plus lourds qu'eux ; des adultes qui reviennent en chariots à bœufs, enlisés jusqu'à l'essieu ; des femmes qui se regroupent pour chanter et rire en portant leurs bêches et leurs pelles sur l'épaule.
Une jeune fille se pose à quelques mètres de nous de l'autre côté de la petite clôture. Elle est sale de son travail de la journée. Une cicatrice lui barre une joue. Son regard est indescriptible, hésitant entre interrogation et réflexion profonde. Nous ne comprenons pas si elle attend quelque chose de nous car elle reste silencieuse. Lorsque Jess termine la dernière gorgée
d'eau de notre bouteille, la jeune fille nous la montre du doigt. Nous la lui donnons et d'un coup, son visage devient radieux. Un incroyable sourire à faire chavirer un poète. Notre guide nous expliquera que ces bouteilles sont très utiles pour apporter de l'eau aux champs (bien plus faciles à transporter que des cruches ou des seaux...). Il y a des cadeaux si simples qu'on n'y pense pas...  

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Pendant le repas, nous écoutons attentivement Aung Aung qui nous explique le déroulement d'une journée pour un moine. Hier, avec le grand-père, il nous avait expliqué qu'il y a 2 sortes de moines : les bons, ceux qui épousent la pensée de Bouddha et les "mauvais", ceux qui voient dans la vie monastique un moyen de subsister sans travailler, oubliant l'aspect méditatif et social de la vocation. Il nous annonce qu'il envisage de devenir lui-même moine. Je ne suis pas surpris outre mesure par cette révélation car cela colle au personnage...
Après avoir englouti les spécialités locales qu'il nous a préparées, parmi lesquelles de succulentes galettes de riz soufflé, nous repartons pour 20 min de marche dans la boue mais de nuit cette fois... A la lueur de nos frontales, nous assurons chaque appui pour ne pas nous vautrer lamentablement. Nous sommes plus proches du numéro de cirque que de la randonnée. Les lumières du monastère apparaissent soudain au bout d'un virage alors que nous venons à peine de retrouver une voie caillouteuse. Il fait très noir et nous ne parvenons pas à percevoir le bâtiment dans sa globalité.

Nous pénétrons dans la grande pièce principale où quelques novices écoutent religieusement le "Chiefman". Aung Aung nous invite à approcher pour que nous nous présentions. Il s'agenouille, le visage collé au sol et se redresse les mains jointes devant lui. Il me fait penser à Numerobis lorsqu'il s'incline devant Cléopâtre dans l'album d'Asterix. Le vieux moine a été victime d'une
attaque cérébrale l'an dernier. Tout le côté droit de son corps est dorénavant paralysé. Il écoute attentivement nos explications sur nos origines, notre voyage et nos impressions sur la Birmanie. Il nous invite à nous installer dans le dortoir, à l'opposé de la pièce. Quelques nattes nous attendent derrière de grands rideaux. Le monastère peut accueillir une quarantaine de
randonneurs en pleine saison. Ce soir nous serons seuls. Les donations des voyageurs permettent aux moines d'investir dans les fournitures nécessaires aux enfants pour leurs études ou dans des équipements pour les villageois les plus défavorisés.
Mauvaise nouvelle pour Jess, les toilettes sont à 2min de marche à l'orée du bois voisin. Tout en haut d'une côte boueuse... L'expédition de cette nuit risque encore de me réveiller...
Avant d'aller dormir (à20h30!), Aung Aung et moi tombons sur un novice de 10 ans tout au plus qui s'est endormi, assis par terre contre la balustrade de la terrasse. Aung Aung le secoue de plus en plus fort en vain. Il me dit en souriant "qu'il a dû méditer trop fort!". Cette remarque me fait rire tandis qu'il appelle les moines pour qu'ils prennent le petit Bouddha et l'emmènent se coucher. L'enfant ne se réveillera que lorsqu'ils le soulèveront.

Nous nous couchons en appréciant le silence de ce lieu à part, situé entre quelque part et nulle part...

9954 - Trek Kalaw / Indein jour 2. Novice endormi



Publié dans carnet de route

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J
superbe photos !!! toutes plus excellentes les unes que les autres !!! jolies la séries perspectives dans le desert de sel ;) des bises !!!
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G
<br /> Alors là Stef t'abuse ! laisser ma fille aller faire pipi tte seule!remarque, je commence à me demander comment elle fonctionne car moi à sa place je n y songerais meme pas dans de telles<br /> conditions....Moi aussi je me transpose dans vos superbes aventures beaucoup plus passionnantes que mon quotidien!mais sachez que vous nous manquez aussi comme à ts vos amis....L arrivée sur terre<br /> parisienne va etre hard!mais ne me faites pas le coup de repartir !plein de gros bisous.....<br /> <br /> <br />
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